2011-11-11

Architecte japonais Sou Fujimoto











A la manière d’un jeu de construction, les chevrons s’empilent et se décalent pour créer l’espace de vie de cette petite maison de week end japonaise. Un autre regard sur l’architecture bois.
Conçue par le studio d’architecture japonais Sou Fujimoto Architects, la Maison NGH est une petite maison de week end qui surplombe les berges de la rivière Kuma à Kumakura au Japon.
De forme cubique, (4 mètres de côté) elle est entièrement réalisée à partir d’un empilement de chevrons et de blocs de cèdre croisés et décalés. Un principe aussi simple qu’efficace.

De ces imbrications et découpes naissent les espaces intérieurs, coin repas, espace de repos, mezzanine ou rangements. Les plans verticaux et horizontaux se fractionnent et se décalent. Les différences de niveaux se multiplient. Entre les chevrons, des interstices aux formes irrégulières remplacent les portes et les fenêtres. Quelques décalages habiles permettent à l’habitant d’improviser ses assises, ses tables ou ses étagères où bon lui semble.

Sori Yanagi, Isamu Noguchi, l'esprit Mingei au Japon

Une amie vient de me parler d'une exposition au Musée du quai Branly sur le mouvement Mingei, qui vient des mots minshû no kogei (objet de fabrication populaire). Le mouvement Mingei comprend une perspective esthétique, morale et formelle, qui trouve aujourd'hui ses échos dans les "formes originelles" de certains designers contemporains.
"L'objet mingei doit être modeste mais non de pacotille, bon marché mais non fragile. La malhonnêteté, la perversité, le luxe, voilà ce que les objets mingei doivent au plus haut poinr éviter : ce qui est naturel, sincère, sûr, simple, telles sont les caractéristiques du mingei." extrait d'un texte écrit en 1933 par Soetsu Yanagi, père de Sori Yanagi. Depuis mes recherches sur Charlotte Perriand, dont Sori Yanagi a été l'assistant, je continue mes investigations sur les architectes et les designers japonais ; avec Soetsu Yanagi, Sori Yanagi et Isamu Noguchi, je tiens un bout de la pelote...

Soetsu Yanagi (1889-1961)
En 1916, nourri de l'art occidental, Suetsu se tourna vers sa culture asiatique et partit pour la Corée où il est fasciné par les poteries paysannes de la dynastie Yi. En 1924, il était l'un des fondateurs du musée d'art et d'artisanat de Séoul. Au Japon, en 1936, il initia avec des amis une collection nationale d'objets usuels et écrivit les premières lignes du projet du musée japonais de l'artisanat. Il ne parlait pas d'art mais de l'expression du peuple avec son bagage de traditions et l'aisance due à des générations de savoir-faire. Le respect exceptionnel des japonais pour l'objet artisanal est stimulé par le culte de la cérémonie du thé, marqué par l'humilité, la frugalité et la sérénité.
Le musée Mingei, musée d'art populaire de Tokyo, musée du peuple pour le peuple, abrite beaucoup d'objets de la collection personnelle de Yanagi. Les céramiques, les objets en pierre, en bois, en paille, en bambou, en métal, les textiles ont été choisis d'après les critères spécifiés clairement par Yanagi comme règle d'or de la philosophie du mingei : anonymat, beauté naturelle du matériau utilisé, objets façonnés à partir d'une pratique de plusieurs générations d'artisans, produits en grande quantité et vendus à des prix économiques...Mais aujourd'hui, la fonction de l'objet artisanal change, son coût augmente, les objets ne naissent plus dans les classes populaires pour l'usage courant, ils doivent satisfaire la demande du marché citadin...Après la disparition de Yanagi, ses successeurs ont ressenti le besoin d'une philosophie plus adaptée à notre temps, les formes nouvelles, les individualités, les idées neuves apparaissent mais "enracinées" dans la tradition, pour certains des designers contemporains...

siège "Butterfly"
Né en 1915, Sori Yanagi concilie l'approche moderne avec ses enseignements fonctionnalistes et la sensibilité pratique qui lui a été transmise par Charlotte Perriand. A partir de 1948, il réalise des ensembles de grande diffusion, services à thé et à café en porcelaine blanche, séries de bols en acier inox. Il met au point des prototypes qui conservent la sensibilité du modelé en privilégiant la qualité du matériau et ses techniques de production et d'assemblage. Le siège "Butterfly" (conçu en 1953, réalisé en contreplaqué formé) deviendra une icône du design : facile à ranger, à stocker et monter. Pour Sori Yanagi, premier designer d'après-guerre , il s'agit de réfléchir au rapport que le XXe siècle a établi entre la redécouverte de certains arts traditionnels et l'évolution de l'art moderne international à travers le design. En 1977, Sori Yanagi devient directeur du Musée d’art populaire japonais de Tokyo.


Isamu Noguchi (1904-1988)
Dès 1928, Isamu Noguchi s'intéresse à la lumière comme matériau de la sculpture. Visitant les fabricants de lanternes traditionnelles à Gifu, il conçoit dans leur technique une série de lampes qui transforment son concept de sculpture-lumière en objet d'usage quotidien, bientôt mondialement reconnu. En 1927, il obtient une bourse (Guggenheim fondation) et part à Paris. Il travaille comme assistant de Brancusi chaque matin pendant 6 mois. Il rencontre Alexander Calder, Morris Kantor et Stuart Davis. Puis il travaille ses propres sculpture de pierre et bois dans son studio à Montparnasse.
Sa collection de lampes Akari, mot qui signifie en japonais "lumière et légèreté", associe la technique traditionnelle japonaise de la fabrication du papier de mûrier aux formes organiques de ses sculptures. Isamu Noguchi conçoit des céramiques, des verreries, des décors de scène, des espaces publics, urbains ou paysagers...
Dès 1950, il travaille avec Isamu Kenmochi ; ils conçoivent ensemble le Kashiwado. Ce fauteuil est un objet d'art qui est construit en plusieurs semaines. Les artisans coupent d'abord plusieurs blocs des racines d'un cèdre japonais, le Sugi. Les blocs sont sculptés et déposés les uns sur les autres avec une procèdure particulière puis il est poli et enduit. Ce fauteuil fait partie de la collection permanente de la collection d'art moderne du musée d'art de Philadelphie.

le Banraisha (foyer étudiant)


Tadao Ando, architecte japonais

Tadao Ando est né à Ôsaka le 13 septembre 1941. Il apprend l'architecture, mais en autodidacte, ce qui est rarissime au Japon. Il achète des livres chez les bouquinistes et est fasciné par un ouvrage consacré à Le Corbusier. De 1963 à 1968, il voyage. Sans beaucoup d'argent, il prend les moyens de transport les moins chers, il marche beaucoup à pied. Il n'étudie pas l'architecture, il s'y plonge et tente de la percevoir physiquement. Il est également influencé par des personnalités comme Louis I. Kahn, Frank Lloyd Wright et par les écrits de spécialistes comme Sigfried Giedion et Kenneth Frampton. En 1969, il crée sa propre agence à Osaka et commence par construire de modestes maisons.


En 1975, il se fait connaître avec sa "Row House" , maison en bande, construite sur un terrain de 58 m². Masao Furuyama a écrit, dans un livre consacré à Tadao Ando, publié chez l'éditeur Taschen : "Ando a introduit là une boite en béton dans un de ces alignements de maisons en bois délabrées qui occupent les quartiers du centre d'Osaka et créé à l'intérieur un espace résolument autarcique. Ce faisant, il propose une intimité que les maisons de ville traditionnelle sont incapables d'offrir. La cour de la maison est un lieu caché, coupé du bruit de la cité. Elle ne s'ouvre que sur le ciel, c'est une fenêtre qui reçoit la lumière, le vent et la pluie pour que la nature puisse pénétrer le mental du visiteur. Pour Ando, l'architecture peut être une arme au service de la réforme sociale. A vingt ans, il se posait des questions angoissées sur le thème "architecture ou révolution" mais il a fini par choisir l'architecture. Il est convaincu que "changer l'habitat c'est changer la ville et réformer la société". La "Row House" est une expression de cette croyance."

En 1980, la maison Koshino a représenté un nouveau départ pour Ando... Je reprends le livre de Masao Furuyama : "Il a peu à peu ouvert la boite fermée pour faire en sorte que l'intérieur et l'extérieur communiquent par des ouvertures dans les murs, entre les murs et dans le toit."
J'ai trouvé ce qui m'attire dans cette architecture : ces boites juxtaposées de volumes différents sont apparemment des figures simples que l'architecte complexifie pour en faire un espace assemblé. C'est le jeu des emboitements et des circulations qui permet cette complexité. C'est aussi sans doute le jeu des lumières et des ombres dont parle Tadao Ando : “Les rayons de lumière, lesquels rentrent par les interstices entre les murs extérieurs et la structure, créent des variations de lumière et d’humeurs basées sur les saisons et l’heure de la journée.”

En 1987, Ando est nommé enseignant à l'université de Yale aux USA et en 1991, c'est la consécration au Japon, puisque, dépourvu de diplôme, il est nommé professeur titulaire à l'Université de Tokyo.
En juin 1995, Tadao Ando est le troisième Japonais à recevoir le "Pritzker Architecture Prize" sorte de Prix Nobel d'Architecture, deux ans après Fumihiko Maki récompensé en 1993. Profondément marqué par le tremblement de terre de Kobé, survenu en janvier de la même année, et qui avait touché en particulier le quartier de ses premières réalisations, il offre tout son prix aux orphelins de la ville. Il collecte des fonds pour améliorer la qualité de la reconstruction, car les morts ont surtout été relevés dans les habitations à bon marché de la ville, construites au mépris des règles de l'art.

Eglise sur l'eau

L'architecture de Ando est une synthèse de la spiritualité japonaise, de la modernité des techniques de construction et de l'utilisation de matériaux innovants.
Son architecture reste toujours à l'échelle des hommes qui vont y vivre et reste plus tournée sur les espaces intérieurs que sur l'aspect extérieur. Il utilise et se fond dans le paysage plutôt que de vouloir le transformer. Sensible à l'esprit des lieux, il privilégie les matériaux locaux, qui ont une histoire et sont rattachés au lieu où il bâtit.
Encore plus convaincant, Tadao Ando avec ses propres mots :"my basic stance with respect to what is to be expressed through architecture has remained unchanged. Whether it is a concrete row house of less than 50 square meters in floor area, a monumental cultural facility being planned in Abu Dhabi, or an urban restructuring project in progress in Tokyo that has the environment as its theme--what I always imagine is an architecture through which the wind blows, stirring people's emotions, an architecture that coexists with nature and purifies the spirit."

Oyamazaki museum à Kyoto
à droite Musée d'art moderne, Fort worth, Texas